Aperçu
Dans le grand théâtre bruyant de l’automatisation industrielle, peu de noms exercent une force d’attraction gravitationnelle aussi colossale que celui d’ABB. Ce géant helvético-suédois n’est pas une jeune pousse audacieuse avec une vidéo de démo léchée ; c’est un pilier fondamental de la fabrication moderne. Le Groupe ABB moderne a été formé en 1988 par la fusion d’ASEA (Suède) et de Brown, Boveri & Cie (Suisse), mais son lignage robotique remonte plus loin. Son prédécesseur, ASEA, a déchaîné le premier robot commercial entièrement électrique, contrôlé par microprocesseur, l’IRB 6, dès 1974.
Pendant des décennies, ABB a été la référence pour le type de bras robotiques lourds, précis et d’une fiabilité brutale qui construisent des voitures, assemblent de l’électronique et, de manière générale, exécutent les tâches ennuyeuses, sales et dangereuses qui font tourner la civilisation. Avec une base installée de plus de 500 000 robots, leur impact est indéniable. Mais à l’ère des cobots agiles, de la flexibilité pilotée par l’IA et de la concurrence intense, la question est de savoir si ce titan industriel peut danser aussi bien qu’il peut soulever. Cet examen plonge en profondeur dans la technologie, la stratégie et la position sur le marché d’une entreprise qui a contribué à écrire les règles de l’automatisation et s’efforce désormais de les redéfinir.

Points clés
- Héritage fondateur : L’ABB moderne a été formée en 1988, mais son ADN robotique a commencé en 1974 lorsque son prédécesseur, ASEA, a lancé l’IRB 6, le premier robot industriel entièrement électrique et contrôlé par microprocesseur.
- Empreinte mondiale : Basée à Zurich, en Suisse, l’activité Robotique et Automatisation Discrète d’ABB emploie plus de 11 000 personnes dans plus de 53 pays.
- Position sur le marché : Une puissance robotique mondiale, souvent citée comme l’un des “Quatre Grands” aux côtés de KUKA, Fanuc et Yaskawa. Elle occupe la 2ème position mondiale et est la numéro 1 en Chine, le plus grand marché robotique du monde.
- Produits phares : Connu pour son vaste portefeuille de robots industriels (série IRB), de robots collaboratifs (GoFa & SWIFTI), de robots Delta (FlexPicker) et de robots de peinture.
- Écosystème logiciel : RobotStudio est une pierre angulaire de son offre, fournissant une programmation et une simulation hors ligne puissantes qui permettent aux clients de concevoir et de tester des cellules robotiques virtuellement avant l’installation.
- Expansion stratégique : A acquis ASTI Mobile Robotics en 2021 pour un montant rapporté de 190 millions de dollars, marquant une entrée majeure sur le marché en plein essor des robots mobiles autonomes (AMR).
- Base installée : A livré plus de 500 000 solutions robotiques à un large éventail d’industries, y compris l’automobile, l’électronique et la logistique.
Analyse
Histoire et évolution
L’histoire d’ABB est celle de fusions stratégiques et d’une concentration implacable sur la puissance industrielle. La fusion en 1988 d’ASEA (Suède) et de BBC (Suisse) a créé un colosse de l’ingénierie électrique. Cependant, l’âme robotique de l’entreprise a été forgée dans les années 1970. L’IRB 6 d’ASEA n’était pas seulement un robot ; c’était une déclaration d’intention, remplaçant les systèmes hydrauliques maladroits par des moteurs électriques plus propres, plus précis et un cerveau. Cet héritage pionnier se poursuit avec des innovations comme le robot Delta FlexPicker en 1998, qui a révolutionné la préhension et l’emballage à grande vitesse.
Bien que ses fondations reposent sur des bras industriels robustes pour des tâches telles que le soudage et la manutention, ABB a été contrainte d’évoluer. L’essor de la robotique collaborative et de la fabrication flexible a poussé l’entreprise à développer ses cobots YuMi, GoFa et SWIFTI. Plus récemment, l’acquisition en 2021 d’ASTI Mobile Robotics a été un signal clair et coûteux qu’ABB ne céderait pas l’espace logistique et intralogistique de l’usine aux nouveaux spécialistes des AMR. Cette démarche fait d’ABB l’une des rares entreprises à offrir un portefeuille complet, des bras industriels fixes aux robots mobiles.
Technologie et innovation
Au cœur de l’écosystème d’ABB se trouve RobotStudio, un logiciel de simulation et de programmation hors ligne qui est probablement aussi important que son matériel. Il permet aux ingénieurs de construire et de valider une ligne de production entière dans un environnement virtuel, un outil essentiel pour minimiser les temps d’arrêt et réduire les risques des projets d’automatisation complexes. Cette approche de “jumeau numérique”, basée sur un contrôleur virtuel qui reflète identiquement la réalité, est un avantage concurrentiel massif.
Côté matériel, les robots d’ABB sont légendaires pour leur robustesse. La série IRB est la bête de somme d’innombrables usines. Mais l’entreprise repousse également les limites. Sa plateforme de contrôleur OmniCore est conçue pour être plus flexible et connectée, offrant jusqu’à 25 % de performances plus rapides et une consommation d’énergie réduite. Dans l’espace collaboratif, GoFa et SWIFTI visent à rendre l’automatisation accessible aux nouveaux utilisateurs, avec une programmation plus facile et la capacité de travailler aux côtés des humains. Et avec l’acquisition d’ASTI, ABB dispose désormais d’une gamme complète d’AMR pour automatiser le flux de matériaux, de la production à la logistique.
Position sur le marché
ABB évolue dans la stratosphère du monde de la robotique. C’est un choix par défaut pour l’automatisation industrielle à grande échelle, en particulier dans le secteur automobile. Ses principaux concurrents sont les autres géants industriels : Fanuc, connu pour sa dominance en Asie et sa fiabilité extrême ; KUKA, fort en Europe, notamment dans le secteur automobile ; et Yaskawa, une autre puissance japonaise.
La force de l’entreprise réside dans son envergure, son portefeuille complet et son réseau de service mondial. Lorsqu’une multinationale souhaite déployer des centaines de robots sur plusieurs continents, ABB est sur la liste restreinte. Cependant, cette envergure peut aussi être une faiblesse. Sur le marché plus dynamique des cobots, elle fait face à une pression intense de spécialistes comme Universal Robots. Son incursion dans les AMR la place en concurrence directe avec des acteurs agiles comme MiR et Locus Robotics. Le défi d’ABB est de prouver qu’elle peut être aussi agile qu’elle est puissante, et d’intégrer son vaste portefeuille dans une plateforme d’automatisation cohérente et intelligente.
Verdict
ABB est la redevance incontestée de la robotique industrielle. Ils construisent les machines qui construisent le monde, avec une réputation de qualité et de fiabilité forgée sur un demi-siècle. Leur logiciel RobotStudio est une leçon magistrale dans la création d’un écosystème fidélisant, et leur base installée massive offre un fossé formidable. Pour toute opération de fabrication à grande échelle où l’échec n’est pas une option, choisir ABB est une décision pour laquelle personne ne se fait virer.
Cependant, le royaume est assiégé. Bien qu’ABB ait fait des entrées crédibles dans les cobots et les AMR, elle rattrapait son retard, ne menait pas la charge. L’ADN de l’entreprise est dans le métal lourd et les cycles de production longs, un désaccord potentiel avec le monde rapide de la fabrication flexible et à la demande. Son plus grand défi n’est pas de construire de meilleurs robots — ils savent faire cela — mais de faire évoluer une culture d’entreprise colossale pour qu’elle pense et agisse comme un partenaire d’automatisation agile et axé sur le logiciel.
En fin de compte, ABB est comme un cuirassé dans une mer de vedettes rapides. Il est immensément puissant, lourdement armé, et il faudrait être fou pour parier contre lui dans un combat direct. Mais savoir s’il peut naviguer dans les canaux étroits et imprévisibles de l’automatisation moderne sans s’échouer reste la question à plusieurs milliards de dollars. Pour l’instant, ils restent la norme à laquelle tous les autres robots industriels sont jugés, même si la définition du « robot industriel » est en train de changer sous leurs pieds.






