Dans la grande symphonie cacophonique du marketing tech, certaines notes sont plus subtiles que d’autres. Un communiqué de presse discret, une fiche technique minutieusement rédigée. Et puis, il y a la stratégie qui consiste à balancer votre robot humanoïde valant plusieurs millions de dollars sur scène avec l’icône de la musique électronique Deadmau5, et à le faire semblant de mixer. Ça, ce n’est pas subtil. C’est un changement de paradigme joué à 128 BPM.
Quand Brett Adcock, fondateur et PDG de Figure AI, a posté une vidéo de sa création aux platines, ce n’était pas juste un tour de passe-passe amusant. C’était une déclaration. L’ère de l’humanoïde simple bête de somme d’usine est révolue avant même d’avoir réellement commencé. Nous entrons désormais dans l’ère du robot en tant que produit culturel, marque lifestyle, symbole de statut social doté d’actionneurs. Oubliez de faire tourner les chiffres dans un entrepôt ; le nouveau critère, c’est de savoir si votre robot peut « balancer le son » sans se casser la figure.
De l’usine à la scène de festival
Soyons clairs : le robot Figure 01 n’improvisait probablement pas un set de progressive house. Ses mouvements étaient presque certainement aussi préprogrammés que les shows lumineux spectaculaires qui ont fait la renommée de Deadmau5. Mais là n’est pas la question. Le visuel est le message. En plaçant son humanoïde — une machine conçue pour la logistique, la fabrication et les tâches dangereuses — dans un contexte de pur divertissement et de culture, Figure AI exécute un pivot marketing brillant.
Cette manœuvre contourne délibérément le discours habituel et fastidieux sur les capacités robotiques. Alors que les concurrents s’affairent à publier des vidéos de leurs robots empilant lentement des caisses, Adcock associe le sien à un artiste nominé aux Grammy Awards, connu pour sa propre persona avant-gardiste en matière de technologie. C’est un effort calculé pour sauter à pieds joints par-dessus la question « est-ce utile ? » et viser directement le « est-ce stylé ? »
Il s’agit moins de démontrer des prouesses techniques que de fabriquer un récit. La vision d’Adcock, telle qu’énoncée dans son plan directeur, est de « positivement impacter l’humanité et créer une vie meilleure pour les générations futures » en éliminant les emplois dangereux et indésirables. Mais le chemin pour placer un robot dans chaque usine — et à terme dans chaque foyer — n’est pas pavé de simples fiches techniques. Il est pavé d’acceptation publique, de confiance et, osons le dire, de désir.
L’iPhone des robots ne se vendra pas sur ses spécifications
L’e-mail que nous avons intercepté le dit parfaitement : la vraie compétition ne se jouera pas sur les spécifications techniques. Elle se jouera sur la confiance, l’émotion et le récit. Qui construira le premier robot avec lequel les gens se sentiront en sécurité ? Qui créera le premier humanoïde à devenir une star de TikTok ? Qui deviendra « l’iPhone des robots » ?
Considérez les spécifications du Figure 01 :
- Taille : 1,68 mètre
- Poids : 60 kg
- Charge utile : 20 kg
- Autonomie : 5 heures
- IA : Intégrée avec des modèles OpenAI pour un apprentissage avancé
Impressionnant, oui. Mais ces chiffres sont des notes de bas de page dans l’histoire qui se raconte. La vraie une, c’est le robot qui partage la vedette, pas la capacité de charge. C’est la stratégie Tesla appliquée aux bipèdes. Vous ne vendez pas l’autonomie de la batterie ; vous vendez la vision du futur. Adcock lui-même a parlé des robots humanoïdes comme du « vecteur de déploiement ultime pour l’AGI », envisageant un futur où l’on verrait autant de robots que d’humains. Y parvenir exige de donner aux gens l’envie de les avoir autour d’eux, pas seulement le besoin.
Un nouveau manuel de marketing
Cette approbation de célébrité, cette incursion dans la culture pop, est la première page d’un nouveau manuel de marketing pour la robotique. Nous dépassons le contexte stérile et industriel qui a défini la robotique pendant des décennies. L’objectif n’est plus seulement de construire une machine capable d’effectuer une tâche, mais de construire une marque à laquelle les gens peuvent se connecter émotionnellement.
« Je crois qu’influencer positivement l’avenir de l’humanité est la priorité morale de notre époque, » a écrit Adcock dans son plan directeur. « Ces robots peuvent éliminer le besoin d’emplois dangereux et indésirables — nous permettant finalement de vivre des vies plus heureuses et plus utiles. »
Atteindre cette grande vision exige plus que de l’ingénierie ; cela exige de la séduction. Cela signifie rendre l’IA avancée et la robotique moins menaçantes et plus proches d’un produit aspirationnel. Il s’agit de faire passer la perception du public d’un automate froid et voleur d’emplois à un compagnon utile, voire divertissant.
La musique continue
Le coup de Deadmau5 est plus qu’une simple séance photo maline. C’est un signal que la course aux humanoïdes se transforme en une guerre à deux fronts : l’un mené en laboratoire pour la supériorité technique, et l’autre dans l’arène de l’opinion publique pour la pertinence culturelle. Alors que des entreprises comme Figure AI continuent de repousser les limites de ce que ces machines peuvent faire, leur plus grand défi ne sera peut-être pas de programmer un robot pour marcher, mais de programmer la société à l’accueillir.
Que cette stratégie mène à un avenir de majordomes robots serviables ou à de simples coups de pub plus élaborés, cela reste à voir. Mais une chose est sûre : la révolution du marketing robotique sera télévisée, diffusée en direct et rythmée par une ligne de basse percutante. Le robot silencieux et humble de l’usine est mort. Vive le robot rockstar.






